Le Brésil fait partie des cinq premiers pays au monde pour les certifications LEED. Que révèle ce classement sur l’évolution du marché brésilien ?
Effectivement, le Brésil figure parmi les cinq plus grands marchés pour la certification LEED, en nombre de projets. C’est remarquable, sachant que LEED est présent dans 186 pays.
Nous comptons aujourd’hui des projets dans plus de 350 villes, représentant environ 74 millions de mètres carrés enregistrés pour la certification.
C’est un motif de satisfaction, mais les chiffres ne disent pas tout. Pour moi, la véritable transformation du marché ne se mesure pas en mètres carrés ni en certificats, mais en évolution des comportements.
À titre d’exemple, seulement 8 % des bâtiments certifiés LEED dans la catégorie « nouvelles constructions » atteignent le niveau Platinum à l’échelle mondiale, alors qu’au Brésil, plus de 13 % des projets certifiés ont atteint ce niveau, et la majorité au cours des quatre dernières années.
Le Brésil détient aussi plusieurs “premières mondiales” avec LEED. Comment expliquer ce leadership ?
C’est vrai : le premier projet LEED Zero Energy au monde est brésilien. Le premier LEED Zero Water, également. Le premier projet certifié LEED v5, et le premier LEED for Communities Plan & Design à atteindre le niveau Platinum, tous réalisés au Brésil.
Est-ce parce que nos promoteurs cherchent à tout prix le niveau Platinum, en investissant davantage ? Pas vraiment. Beaucoup de ces projets ont été certifiés sans coût de construction additionnel.Ce qu’ils ont en commun, c’est un investissement dans l’intelligence, celle de la conception architecturale et de l’ingénierie.

Que recouvre cette idée “d’investissement dans l’intelligence” ?
L’investissement dans l’intelligence repose sur l’anticipation : réaliser des diagnostics énergétiques et de confort, des simulations dès la phase de pré-conception, adopter une conception intégrée du projet, et développer une vision holistique pour identifier toutes les opportunités d’efficacité et de confort.
Mais cela passe aussi par une bonne communication, capable de traduire des données techniques en messages clairs qui sensibilisent et convainquent les occupants comme les clients.
Au GBC Brésil, nous appelons cela la troisième phase du mouvement du bâtiment durable au Brésil. En investissant dans l’intelligence de l’architecture et de l’ingénierie, nous découvrons la viabilité technique et financière pour mettre en œuvre l’innovation et les technologies, et maximiser la performance en matière d’efficacité, de confort et de durabilité. La certification devient alors une conséquence.
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Vous évoquez aussi la montée en puissance du secteur résidentiel. Que se passe-t-il sur ce marché ?
Le secteur résidentiel suit la même logique. Nous avons appliqué le concept de cette troisième phase, l’efficacité par l’intelligence, à l’habitat.
Pour cela, le GBC Brésil a créé sa propre certification : GBC CASA & CONDOMÍNIO, inspirée de LEED mais fondée sur des normes techniques locales. L’objectif : faire évoluer la perception des promoteurs, en les amenant à se demander non plus « Combien cela coûte ? » mais « Quelle est la valeur de cet investissement ? »
Prenons un exemple : si un appartement haut de gamme se vend 10 millions d’euros, pourquoi ne pas investir 250 000 ou 500 000 euros supplémentaires pour améliorer le confort et la qualité de l’air intérieur, surtout si cela permet de le vendre 11 millions ?
Avec une bonne communication sur la santé et le bien-être, cet argument devient une évidence.

Pouvez-vous citer un projet emblématique de cette évolution ?
Le premier immeuble GBC Condomínio certifié Platinum a investi dans des panneaux photovoltaïques capables de couvrir 100 % des besoins énergétiques des espaces communs et un tiers de ceux des logements. Les panneaux solaires assurent 70 % des besoins en eau chaude sur l’année, et la récupération des eaux de pluie permet l’irrigation et le nettoyage sans recourir à l’eau potable.
Fait intéressant : le promoteur explique que la certification verte n’était pas son objectif. Sa priorité était de réduire les coûts d’exploitation à Porto Alegre, et il y est parvenu. Il a même calculé que si chaque résident plaçait les économies réalisées sur les charges dans un simple fonds d’investissement, au bout de 50 ans, soit la durée de vie minimale d’un bâtiment, il pourrait acheter un nouvel appartement pour son fils ou son petit-fils.
Vous travaillez aussi sur de nouvelles propositions de valeur pour les promoteurs. Lesquelles ?
Plusieurs pistes sont en cours :
- Des indicateurs de qualité pour les promoteurs et un guide de bonnes pratiques pour réduire les litiges avec les entreprises de construction ;
- La réduction du risque de crédit, avec l’appui d’experts de la finance et du marché des capitaux ;
- Une différenciation concurrentielle plus claire ;
- Et l’accès à des incitations financières ou fiscales.
Mais tout cela exige une plus grande sensibilisation du public. C’est pourquoi nous avons lancé une initiative sur les réseaux sociaux, la série “Residents Testimonials”, où les habitants de bâtiments certifiés témoignent des bénéfices concrets : réduction des coûts d’exploitation et de maintenance, meilleure performance technique, et plus grand confort et bien-être.
Selon vous, quel est le levier clé pour accélérer le mouvement de la construction durable ?
Nous devons convaincre les promoteurs selon leurs propres motivations, pas les nôtres.
Le mouvement du bâtiment durable dispose d’un vaste arsenal d’arguments, sociaux, environnementaux, économiques. Le secret est de choisir le bon argument pour le bon interlocuteur.
Lorsque nous faisons cela, lorsque nous parlons à partir de leurs motivations, qu’elles soient financières, opérationnelles ou d’image, nous pouvons rassembler des professionnels de tous horizons autour de cette transformation, quelle que soit leur opinion personnelle sur la transition climatique.
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