Pouvez-vous nous expliquer ce que recouvrent les codes et les normes que l’ICC développe ?
Pour schématiser, les codes indiquent ce qu’il faut faire, tandis que les normes indiquent comment le faire. Les codes organisent généralement un ensemble de normes pour répondre à une exigence de haut niveau.
Par exemple, le International Energy Conservation Code (Code International de Conservation de l’Énergie) définit les exigences globales pour une conception économe en énergie, mais s’appuie sur des normes pour les performances des systèmes CVC individuels, l’installation de l’isolation, etc. Les codes intègrent ainsi des centaines de normes, certaines élaborées par l’ICC, d’autres par d’autres organismes de normalisation.
L’ICC propose 15 codes modèles qui couvrent l’ensemble des exigences de performance des bâtiments. Le International Building Code (Code International du Bâtiment) et le International Residential Code (Code International du Logement) abordent respectivement les exigences pour les bâtiments commerciaux (y compris les logements multifamiliaux) et les habitations unifamiliales.
Les autres codes couvrent des exigences plus spécifiques, certains concernant par exemple le fonctionnement des bâtiments comme l’International Plumbing Code ou l’International Mechanical Code ; d’autres encore des objectifs spécifiques comme l’International Energy Conservation Code ou l’International Green Construction Code.
Que recouvre le terme “sécurité” pour l’International Code Council ?
Nous parlons souvent de sécurité et de sûreté, les deux pouvant être considérés comme synonymes. Il s’agit d’être protégé contre les risques ou menaces, qu’ils soient d’origine humaine ou bien naturels. Ces derniers sont très variés, comme les tremblements de terre, feux de forêt, inondations, ouragans, mais aussi désormais de nouvelles réalités comme la montée du niveau de la mer, les vagues de chaleur extrême ou de froid extrême. Tous ces événements ont un impact sur les environnements sociaux, économiques et environnementaux des populations.
La sécurité et la durabilité sont-elles liées ?
Avec l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des catastrophes causées par le changement climatique, sécurité et durabilité deviennent totalement interconnectées. Par exemple, si nous ne construisons pas des bâtiments sûrs, capables de résister aux catastrophes évoquées plus haut, lorsque celles-ci se produisent ils doivent être ensuite démolis, réparés ou reconstruits. Et cela aura pour impact, entre autres, de générer des émissions supplémentaires de carbone.
C’est pourquoi nous devons chercher des solutions qui renforcent la résistance d’un bâtiment à un événement dangereux tout en offrant des avantages en matière de durabilité. Le moment le plus opportun pour intégrer ces solutions alliant sécurité et durabilité est au départ d’un projet de construction neuve. Et sinon bien entendu au moment d’une rénovation. Ces occasions étant limitées, nous devons donc être délibérés et réfléchis lorsque nous les saisissons.
L’isolation, par exemple, améliore l’efficacité énergétique d’un bâtiment tout en contribuant à la sécurité de ses occupants en cas de conditions climatiques extrêmes : si une longue panne d’électricité survient, les occupants d’un bâtiment bien isolé peuvent rester à l’abri des canicules ou de températures très basses.
Qu’est-ce que l’International Code Council ?Les fondations de l’International Code Council (ICC) remontent à une centaine d’années, lorsque de grandes villes américaines comme Chicago et Baltimore souhaitaient se protéger contre les incendies. Les codes de construction sont alors devenus un mécanisme permettant d'aider les gouvernements des États américains à développer des politiques appropriées et ont fourni un socle commun en matière d’exigences de sécurité.
Aujourd’hui, l'ICC est la principale source mondiale de codes et de normes modèles et de solutions de sécurité pour les bâtiments, qui comprennent l'évaluation des produits, l'accréditation, la technologie, la formation et la certification.
Avez-vous un exemple illustrant ce cercle vertueux entre durabilité accrue et sécurité renforcée ?
Un excellent exemple est le Spaulding Rehabilitation Hospital à Boston (Massachussets, USA). Le propriétaire a voulu implanter le nouvel hôpital sur le front de mer de Boston, reconnaissant l’importance de l’environnement naturel pour améliorer les résultats de santé. Les équipes de conception ont dû mettre en œuvre plusieurs stratégies de résilience pour tenir compte des impacts potentiels des vents et des inondations causés par les tempêtes côtières.
La structure a été élevée au-dessus du niveau d’inondation centennal et les systèmes mécaniques ont été placés sur le toit pour les protéger des inondations. Ils ont également utilisé des systèmes mécaniques à haute efficacité, réduisant les coûts opérationnels et les émissions de CO₂ associées, tout en prolongeant l’autonomie des systèmes de production d’énergie sur site en cas de coupure de courant. Parallèlement, l’enveloppe du bâtiment a été mieux isolée pour réduire les besoins de chauffage et garantir une occupation plus longue si l’électricité venait à manquer lors d’événements de froid extrême.
En plus des avantages en termes de durabilité et de résilience, cette conception rigoureuse a permis de réduire les coûts d’exploitation et attirer davantage de patients, convaincus par les bénéfices induits de sécurité et de confort.
En juin 2024, vous avez organisé un sommet à Dubaï sur la construction hors site, qui est précisément l’une des solutions pour réduire l’impact carbone du secteur du bâtiment. Est-ce aussi intéressant en termes de sécurité ?
La construction hors site est une réponse à de nombreux défis auxquels est confrontée l’industrie de la construction, et offre une grande variété d’avantages. Elle permet notamment une utilisation plus efficace des matériaux tout en soutenant des structures de meilleure qualité et plus robustes. Mais aussi de remplacer plus rapidement les logements et bâtiments perdus après une catastrophe. Ce mode constructif améliore aussi les conditions de travail et la sécurité sur les chantiers puisque la majeure partie du travail est réalisée en usine.
Face à des aléas climatiques de plus en plus extrêmes, la recherche d’une plus grande résilience des bâtiments et des villes est l’un des défis du secteur de la construction. Qu’est-ce qui peut aider ? L’innovation ? De nouvelles normes et réglementations ?
Les deux, absolument. Les normes et les codes permettent réellement de libérer l’innovation. Ils donnent une direction aux innovateurs du marché, un cadre à l’intérieur duquel ils pourront développer leurs nouvelles idées. Les codes de l’ICC sont mis à jour tous les trois ans, afin d’intégrer de nouvelles informations et technologies et ainsi offrir aux concepteurs et aux fabricants la flexibilité dont ils ont besoin pour répondre aux multiples exigences de performance des bâtiments. Nous disposons également de mécanismes pour soutenir la mise sur le marché de produits innovants avant qu’ils ne soient incorporés dans les codes modèles.
Vous soutenez l’initiative Buildings Breakthrough, qui a été approuvée au niveau international. Pourquoi ?
Le Buildings Breakthrough donne une direction internationale sur les objectifs à atteindre pour le secteur de la construction, ainsi que sur les stratégies et approches collaboratives nécessaires pour parvenir à l’objectif clair de bâtiments quasi zéro émission et résilients comme nouvelle norme d’ici 2030. Nous travaillons particulièrement sur l’harmonisation et les stratégies autour des codes et des normes, qui nous aideront à atteindre ces objectifs avec les bons outils politiques.
Buildings Breakthrough
Lors de la COP28, en décembre 2023, les gouvernements français et marocain, en partenariat avec le Programme des Nations unies pour l’environnement, ont lancé le Buildings Breakthrough. Cette nouvelle initiative vise à renforcer la coopération mondiale pour décarboner le secteur du bâtiment et a pour objectif de faire des technologies propres et des solutions durables l’option la plus abordable, la plus accessible et la plus intéressante à l’échelle mondiale d’ici 2030. À ce jour, 29 pays et la Commission européenne ont adhéré à ce programme.
Mais nous pouvons avoir les meilleures stratégies, les meilleurs codes et normes, les meilleures technologies, cela n’aura que peu d’impact si nous n’avons pas les ressources et mécanismes efficaces pour les déployer. C’est pourquoi l’ICC est moteur dans l’identification des compétences et exigences nécessaires, des moyens dont nous disposons actuellement, ainsi que des lacunes existantes et de la façon de les combler.
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