Infrastructures : comment la chimie parvient-elle à les doter de super-pouvoirs ?

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Cebu-Cordova Link Expressway, Philippines.

Décarbonation
Décryptage
Durée de lecture : 4 min 4 min
09/07/2025

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Les infrastructures sont en première ligne face aux dérèglements climatiques. Ponts, routes, tunnels, ouvrages hydrauliques… tous subissent des stress mécaniques, thermiques ou hydriques inédits. Mais un levier d’innovation, invisible et discret, agit pour accroître leur résilience : la chimie de la construction.
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Véritable système nerveux de nos territoires, le bon fonctionnement de nos infrastructures est vital, puisqu’elles assurent la mobilité, l’accès à l’eau, à l’énergie ou encore aux communications. Face à l’accélération des risques climatiques – canicules, inondations, cycles gel-dégel, salinité croissante des sols – leur résistance est mise à rude épreuve. C’est ici que la chimie de la construction s’impose comme un levier méconnu mais stratégique. En agissant sur la formulation du béton, sur l’étanchéité des ouvrages ou la performance des revêtements, elle transforme les infrastructures en systèmes plus adaptables, plus durables et plus sobres en carbone.

Décarboner sans perdre en performance : la révolution du béton

Le béton reste indispensable à la construction, mais les bétons traditionnels sont très émetteurs de CO2, principalement à cause du clinker, le composant actif du ciment. Pour en réduire l’empreinte carbone, des solutions de substitution sont déployées : laitier de hauts fourneaux, fillers calcaires, granulats recyclés, voire mêmes des liants géopolymères. Cependant, ces solutions ont souvent des performances initiales moindres, notamment en termes de durcissement à jeune âge, c’est-à-dire lors de la prise du béton. 

Grâce à la chimie de la construction, il est possible de pallier ces manques. Les adjuvants et superplastifiants permettent en effet d’obtenir une résistance égale, voire supérieure, tout en réduisant la part de clinker et donc l’empreinte carbone.

Renforcer la résilience des infrastructures 

L’apport de la chimie de la construction dépasse le cadre des enjeux de décarbonation, pour toucher à la résilience même des infrastructures confrontées à des épisodes climatiques extrêmes. Il s’agit de les doter d’une plus grande adaptabilité thermique, hydrique et mécanique.

6 900

milliards de dollars d’investissements annuels dans les infrastructures durables seront nécessaires d’ici 2030 selon l’OCDE.

Au Caire (Egypte), le monorail sans conducteur le plus long au monde (700 000 m3 de béton) nécessitait une formulation résistante à des variations de température allant de 5 à 45 °C. Les superplastifiants utilisés garantissent la régularité des performances et la durabilité des structures, et ont facilité la mise en œuvre sur chantier.

À Phoenix (États-Unis), régulièrement confrontée à des températures dépassant les 43 °C, un programme innovant de cool pavement utilise des revêtements chimiques réfléchissants. Résultat : la température de surface baisse de 6 °C et la durée de vie des chaussées passe de 4 à 8 ans, divisant par deux les fréquences de réfection.

Réparer plutôt que reconstruire 

En raison des épisodes climatiques extrêmes répétés, les infrastructures vieillissantes se fragilisent et nécessitent des interventions de plus en plus fréquentes. Or, la reconstruction est coûteuse, longue et carbonée. La chimie propose des solutions pour allonger la durée de vie et réduire l’entretien : résines d’injection pour les tunnels, membranes d’étanchéité PEHD (Polyéthylène haute densité), traitements de surface.

Le Delaware Memorial Bridge a été rénové et est désormais le premier pont des États-Unis à être équipé d’un béton à ultra-hautes performances (UHPC). Grâce à des adjuvants sur mesure, la structure utilise moins de matière, mais obtient des résultats mécaniques supérieurs, tout en réduisant significativement l’empreinte carbone. Son tablier rénové est conçu pour durer plus de 50 ans avec un minimum d’entretien, ce qui améliore sa résilience structurelle, financière et environnementale.

Les projets innovants qui émergent à travers le monde prouvent que la chimie de la construction permet de construire, rénover, adapter les infrastructures pour répondre aux défis climatiques. Mais son rôle dépasse la technique : il implique une nouvelle vision de la planification, où les matériaux deviennent intelligents et réactifs, les ouvrages adaptatifs, et les stratégies de résilience intégrées dès la conception. Construire moins mais mieux, réparer plutôt que raser, anticiper plutôt que subir : autant de chantiers où la chimie, discrète mais essentielle, joue désormais un rôle-clé.

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