Quand l’emballage devient un levier d’innovation et de durabilité

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Pour l’emballage de ses rouleaux de laine de verre, Isover opte désormais pour des films recyclables, avec 15 % maximum de surfaces imprimées pour faciliter leur recyclage.

Décarbonation
Décryptage
Durée de lecture : 9 min 9 min
01/10/2025

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Films plastiques, sacs de mortier, palettes, seaux… Les emballages des produits et matériaux de construction génèrent des millions de tonnes de déchets chaque année. Longtemps relégué au second plan des préoccupations environnementales, le packaging révèle aujourd’hui son potentiel de transformation pour accélérer la transition écologique du secteur.
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À l’échelle mondiale, le packaging génère 22,7 milliards de tonnes de CO₂ par an (1) . Le secteur de la construction contribue à cette empreinte par sa consommation élevée d’emballages : films plastiques pour les isolants, sacs pour les plâtres, mortiers et ciments, contenants pour les produits chimiques… Contrairement à l’agroalimentaire où les emballages ménagers bénéficient de filières de collecte structurées, ceux du BTP souffrent d’un tri approximatif et d’une valorisation limitée. Pourtant, des solutions existent pour rendre ces emballages et leur usage plus durables.

État des lieux : un enjeu quantifié, mais sous-exploité

Les chiffres révèlent l’ampleur du défi. Le secteur du bâtiment génère environ 2,5 milliards de tonnes (2) de déchets chaque année dans le monde, un volume colossal où dominent les matériaux inertes (béton, gravats, tuiles, etc.)

Les emballages — cartons, films plastiques, palettes, seaux — sont plus discrets, mais non
négligeables. Inclus dans les déchets non minéraux non dangereux, ils représentent 1 à 3 %
des déchets totaux sur les chantiers, selon des études sectorielles menées en France. Si on
rapporte cette part à l’échelle mondiale, cela correspond à 25 à 75 millions de tonnes par an.
Autant de déchets souvent peu triés, rarement réemployés, et dont le potentiel de recyclage
reste largement sous-exploité.

La répartition par matériaux éclaire les priorités d’action : les emballages plastiques
dominent avec 40 à 50 % du total, suivis par le carton et le papier (20-30 %) et le bois,
principalement les palettes (10-20 %). Cette prédominance du plastique induit un enjeu
majeur : son taux de recyclage dans la construction plafonne entre 10 et 20 %, très en deçà
des performances d’autres matériaux comme les palettes bois (70-90 % de réutilisation) ou
les cartons (plus de 60 % de recyclage).

Source: Global Insight Services (GIS)

Agir dès la conception 

Face à ces constats, l’éco-innovation transforme radicalement l’approche de l’emballage
dans la construction. Fini le temps des compromis entre performances techniques et impact
environnemental : les nouvelles solutions concilient efficacement les deux exigences.

L’exemple des sacs pour les mortiers illustre cette mutation. Traditionnellement composés de
deux couches en papier et en plastique, ces emballages sont difficiles à recycler du fait de la
difficulté à séparer les matériaux qui les composent.

Pour y remédier, Mondi, leader mondial de l’emballage, a développé l’IntegroBag, un sac
monocouche qui transforme les standards du secteur. Cette solution remplace le film
plastique par des revêtements barrières appliqués sur du papier kraft issu de sources
responsables. Le sac conserve toutes ses propriétés de protection et de résistance tout en réduisant jusqu’à 50 % la consommation de plastique et en facilitant grandement le recyclage.

Certaines innovations de Mondi vont encore plus loin en intégrant l’emballage au produit
final. Le fabricant a ainsi développé le SolmixBag. Destiné à contenir les mortiers et ciments,
il est pensé pour se dissoudre au moment du mélange. Cette innovation élimine totalement
les déchets d’emballage tout en réduisant la pénibilité du travail et les pertes de matière
puisque le sac n’a même pas besoin d’être ouvert.

Preuve que c’est tout un secteur qui avance, de grands noms de l’emballage comme
Gascogne ou Advanced Industries Packaging travaillent également sur des solutions
similaires.

Recyclage et innovation : une transition nécessaire vers des emballages plus durables

Une fois les matériaux déballés sur les chantiers, que deviennent ces emballages ? Le
constat sur le terrain révèle des pratiques perfectibles : tri approximatif, incinération,
stockage inadéquat… Ces pratiques génèrent un impact environnemental important que le
secteur ne peut plus ignorer.

Cette prise de conscience impulse une transformation réglementaire majeure. L’Europe
prend les devants avec le règlement PPWR (Packaging and Packaging Waste Regulation),
qui impose des seuils contraignants : 35 % minimum de contenu recyclé dans les
emballages plastiques et 40 % des emballages de transport réutilisables à l’horizon 2030.

La digitalisation accompagne cette mutation, notamment avec l’obligation d’intégrer des QR
codes d’ici 2030 pour tracer précisément le parcours des emballages.

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Si l’Europe ouvre la marche, d’autres territoires emboîtent le pas. Outre-Atlantique, plusieurs
États américains déploient déjà la responsabilité élargie du producteur (REP) (3) , tandis que
l’Asie durcit ses règles d’usage du plastique.

Cette évolution réglementaire catalyse l’innovation dans tout le secteur. Une transformation
qui impose parfois de repenser complètement l’identité visuelle des marques. Isover a ainsi
abandonné son encrage jaune caractéristique au profit de films blancs ou transparents
recyclables, limitant les surfaces imprimées à 15 % maximum pour faciliter le recyclage.

Dans le même esprit, les systèmes « bag-in-box » se développent pour remplacer les
contenants plastiques traditionnels. Cette approche révèle des performancesimpressionnantes : jusqu’à 75 % de réduction des émissions de CO₂ et 50 % d’économies par rapport aux seaux en plastique 100 % vierge, tout en améliorant considérablement la recyclabilité.

L’optimisation des films de protection illustre également cette démarche d’amélioration
continue. Le passage à des films plastiques recyclés plus fins pour la protection des palettes
permet de réduire significativement l’impact environnemental. En passant, par exemple, de
50 μm à 15 μm d’épaisseur, il est possible de réaliser des économies de plastique pouvant
atteindre plusieurs tonnes par an selon la taille des sites de production. Tout cela, bien sûr,
en maintenant la tenue à la charge et la protection contre les intempéries.

Quand l’innovation passe par le réemploi et le vrac 

Au-delà du recyclage, une nouvelle approche émerge : donner plusieurs vies aux
emballages. Cette logique de réemploi transforme radicalement la gestion des packagings
sur les chantiers, comme l’illustre le programme Pallet LOOP au Royaume-Uni et en Irlande.
Ce programme abandonne la logique traditionnelle de « livraison, distribution et mise en
décharge » au profit des principes de « récupération, réparation et réutilisation ».

Le système fonctionne grâce à un mécanisme économique incitatif : chaque palette verte
remise dans le circuit par les partenaires agréés donne le droit à un remboursement
substantiel. Les initiatives en la matière se multiplient dans le secteur, des entreprises
comme EPALIA ou encore Boomerang organisent également des programmes de réemploi
de palettes.

Crédit : Pallet Loop

La réutilisation des contenants se développe également. En Espagne, la société Weber
collecte, par exemple les seaux usagés sur les chantiers, puis les réintègre dans la chaîne
d’approvisionnement, une fois nettoyés.

Mais la révolution la plus radicale vient des solutions qui suppriment totalement l’emballage
individuel. Les silos de mortier, de plus en plus répandus sur les chantiers de grande
envergure, stockent directement les matériaux en vrac. Cette approche élimine des
centaines de sacs par projet tout en garantissant un dosage précis et une qualité constante.
Les matériaux restent protégés des intempéries et peuvent être utilisés au rythme du
chantier, sans gaspillage ni résidus.

Dans le même esprit, les « pump trucks » révolutionnent la livraison de mortiers et bétons.
Ces camions équipés de pompes permettent de livrer directement les matériaux jusqu’à
30 mètres de distance, supprimant le besoin d’emballages de transport et faisant gagner un
temps précieux sur les chantiers. Une solution particulièrement appréciée en milieu urbain
dense où l’accès aux chantiers est complexe.

Du sac biodégradable aux solutions vrac, en passant par les palettes réemployées,
l’emballage révèle sa capacité à transformer la construction. Cette mutation,
longtemps invisible, devient un enjeu stratégique de la transition écologique du
secteur. Alors que les taux de recyclage des emballages construction stagnent entre
10 et 20 % pour les plastiques, les nouvelles solutions démontrent qu’une approche
systémique peut transformer ces performances. L’emballage n’est plus une contrainte
à subir mais un levier d’action pour construire l’avenir durable du secteur.

(1) Selon Benchmark Consulting

(2) Source Global Insight Services (GIS)

(3)La Responsabilité Élargie du Producteur (REP) est un principe selon lequel les producteurs, importateurs ou distributeurs de produits sont responsables de la gestion de la fin de vie de ces produits. Cela inclut leur collecte, leur recyclage ou leur traitement. L’objectif est de favoriser l’éco-conception, de réduire les déchets et d'encourager le recyclage.

(4)Le plastique recyclé post-consommation (souvent abrégé PCR pour Post-Consumer Recycled plastic) désigne du plastique qui a été utilisé par des consommateurs ou des professionnels, jeté, puis collecté, trié et recyclé pour être réutilisé dans la fabrication de nouveaux produits.

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