Des villes plus durables, pour tous ?

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La favela de Paraisopolis, l’une des plus grandes de São Paulo (Brésil). Paraisopolis signifie « Ville Paradis ». Si les villes se transforment pour être plus durables, parviendront-elles à le faire pour l’ensemble de leurs concitoyens ?

Qualité de vie
Décryptage
Durée de lecture : 7 min 7 min
01/02/2024

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Si les grands axes des politiques de développement durable sont définis à l’échelon gouvernemental, les acteurs locaux disposent d’une marge de manœuvre pour piloter la conception et la mise en œuvre de projets destinés à rendre leur ville plus durable. Comment des maires et des porteurs de projets proches du terrain agissent-ils pour avancer sur les deux fronts : celui de l’environnement et celui du social ? Comment n’exclure personne lorsque l’on parle de ville plus durable ? Quelques exemples dans le monde d’initiatives menées par quatre maires engagés.
Manuel De Araújo, maire de Quelimane (Mozambique)

Quelimane (Mozambique) : faire rimer durabilité et qualité de vie

Depuis son élection à la mairie de Quelimane en 2011, Manuel De Araújo s’attache à faire de la quatrième ville du Mozambique un exemple de développement durable : construction d’habitats résilients au changement climatique, maisons de quartier où les habitants peuvent mener des activités communautaires, fontaines publiques… Au fil de ses mandats, les 350 000 citoyens de Quelimane ont vu s’améliorer leur qualité de vie. Mais selon lui, cela passe par une vision plus globale pour impacter positivement l’économie locale et lutter contre la précarité. Manuel De Araújo a par exemple asphalté différents axes, afin de les rendre praticables en deux-roues et en a créés de nouveaux, afin de relier entre eux des quartiers qui ne l’étaient pas, comme Sangariveira et Icidua.

Aujourd’hui, le vélo constitue non seulement un mode de transport alternatif pour la plupart des habitants, mais aussi un emploi pour 10 000 d’entre eux, devenus chauffeurs de vélo-taxi.

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Tim Keller, maire d’Albuquerque (États-Unis)

Albuquerque (États-Unis) : Faire face à la crise du logement

À Albuquerque, première ville de l’État du Nouveau-Mexique avec ses 565 000 habitants, la prospérité économique et la qualité de vie agissent comme un aimant qui attire toujours plus de nouveaux venus, alors même que l’offre de logements est limitée. S’ensuit une pénurie qui tire les prix de l’immobilier vers des sommets : en 2021, les prix du logement ont ainsi augmenté en moyenne de 20 %, à l’achat comme à la location. Selon les autorités municipales, il manque à Albuquerque 80 000 logements, dont 30 000 à destination des personnes à revenus faibles et modestes. « Cette crise du logement est si aiguë qu’elle affecte désormais la disponibilité de la main-d’œuvre et le développement économique de notre ville », déplore Tim Keller.

Face à cette situation qu’il estime intenable, le maire d’Albuquerque a lancé une initiative baptisée Housing Forward. Celle-ci consiste en un ensemble d’actions complémentaires comme la conversion d’immeubles commerciaux, de bureaux, d’hôtels ou de motels en logements avec services à des prix abordables, ou encore la création de zones de logements de plus petite taille (appelés casitas) visant à densifier l’habitat. Avec cette combinaison de mesures, Tim Keller a l’ambition de créer, au cours des deux prochaines années, quelque 5 000 nouveaux logements au prix du marché. Avec Housing Forward, il entend également réduire la criminalité en convertissant en logements les locaux qui attirent aujourd’hui le trafic de drogue, ou d’êtres humains, et la violence armée.

Créer quelque 5 000 nouveaux logements au prix du marché en misant sur la conversion d’immeubles commerciaux et de bureaux.

Álvaro Aresti, président du Distrito Castellana Norte, Madrid (Espagne)

Madrid (Espagne) : Transformer une friche urbaine en une cité nouvelle génération

Porté par le Distrito Castellana Norte, Madrid Nuevo Norte est l’un des grands projets actuels de rénovation urbaine en Europe. Il vise à aménager 2,5 km2 situés le long des voies ferrées dans le nord de Madrid. Ce quartier durable entend jouer sur tous les fronts et en n’excluant personne. La création de plus de 10 500 nouveaux logements à haute efficacité énergétique comprendra ainsi 20 % de logements bénéficiant d’une subvention publique, soit le double des exigences réglementaires pour les nouveaux programmes immobiliers. Cela représente le double des exigences réglementaires pour les nouveaux programmes immobiliers. Ils seront proposés aux personnes à faibles revenus, à des prix inférieurs à ceux des biens équivalents sur le marché. Ainsi, 25 ha de foncier seront dédiés à l’implantation d’équipements publics (pôles santé, établissements pour personnes âgées, écoles, installations sportives, etc.) afin de répondre aux besoins de ses futurs habitants, mais aussi de ceux des quartiers voisins, en manque d’équipements publics.

Pour Álvaro Aresti, être aux antipodes de la ville-dortoir, c’est également fixer de l’emploi sur place : Madrid Nuevo Norte entend générer plus de 130 000 emplois par la création de bureaux et de commerces. Privilégiant les modes de déplacement pour tous, le projet de réhabilitation prévoit l’agrandissement et la modernisation de la gare de Chamartín, la création d’une ligne de métro, d’une gare de transports régionaux et d’une ligne de bus prioritaire à haute capacité. Les axes de circulation douce relieront les différentes zones résidentielles par un continuum d’espaces verts de 40 ha.

Une ville 100 % durable, dans laquelle on pourra à la fois travailler et vivre. On s’y déplacera à pied, à vélo ou en transports publics et les logements, les bureaux, les locaux commerciaux, les équipements publics, les espaces verts et les transports publics se conjugueront afin que l’activité puisse s’y dérouler à toute heure, sept jours sur sept.

Aline Cardoso, secrétaire municipale au développement économique, au travail et à l’entrepreneuriat de São Paulo (Brésil)

São Paulo (Brésil) : plus durable, moins précaire

Nommée en 2017 secrétaire au développement économique, au travail et à l’entrepreneuriat à la mairie de São Paulo, Aline Cardoso a voué toute sa carrière au développement de la première ville du Brésil. « Faire de la politique, c’est transformer la ville pour transformer la société, affirme-t-elle. Et si nous avons besoin de bâtiments durables, nous avons tout autant besoin de villes durables. » Des villes capables de créer de l’emploi et d’élever le niveau de vie de leurs habitants. Pour y parvenir, Aline Cardoso place la qualification professionnelle et l’alliance entre secteur public et secteur privé au cœur de son action. En n’hésitant pas à aller chercher dans tous les quartiers, y compris les plus défavorisés, les compétences et les talents pour les rapprocher des entreprises.

« Nous devons aussi créer des partenariats entre le public et le privé pour faire bouger les choses : le public par la réglementation et l’incitation, le privé par l’investissement. » Ainsi, outre un programme de rénovation urbaine prévoyant la construction sur quinze ans de 700 000 logements, de services publics et de circulations douces, la municipalité de São Paulo prévoit la création de nouvelles lignes de métro et un renforcement de son réseau de bus. Mais les besoins restent immenses et le chemin long. 

Nous devons requalifier le monde du travail pour l’adapter à l’ère de la construction durable.

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