Post-carbone, bioclimatique, passive et réparée : focus sur les termes de la construction durable

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De nouvelles formulations du ciment, à base de cendres volantes ou de fibres de béton recyclées, forment une alternative à des solutions innovantes.

Décarbonation
Décryptage
Durée de lecture : 6 min 6 min
18/07/2023

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Pour mettre en œuvre les principes de la construction responsable, de nouvelles tendances s’imposent progressivement. La pratique de l’architecture évolue de manière flagrante, sous les effets conjugués du changement climatique, de l’urbanisation et des défis liés à l’efficacité énergétique et à la pénurie de matières premières. Explications et illustrations.

1- L’architecture post-carbone en question

Définition

L’architecture post-carbone agit en faveur de la transition environnementale selon une approche de sobriété constructive, intégrée tout au long du cycle de vie du bâtiment.

Inspiration // Prise de conscience massive

Responsable de 37 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, dont les trois quarts sont dues au carbone opérationnel – émissions générées par le bâtiment lors de son utilisation – et le dernier quart au carbone embarqué – émissions générées par la construction du bâtiment, de la fabrication des matériaux à leur fin de vie le secteur de la construction réinterroge de plus en plus ses méthodes, ses modes d’extraction de la matière, ses solutions constructives et ses consommations énergétiques. Si les acteurs sont prêts à s’engager dans la révolution de l’architecture décarbonée, il leur faut opérer un changement de perspective, de paradigme et d’échelle.

Actions // Solutions bas carbone

Pour réduire le carbone opérationnel, il faut combiner efficacité énergétique (via en particulier la performance thermique de l’enveloppe du bâtiment) et usage d’énergies décarbonées. Le post-carbone s’appuie également sur des initiatives telles que de nouvelles formulations du ciment, à base de cendres volantes ou de fibres de béton recyclées, mais aussi sur la construction légère. Celle-ci requiert une structure bois, voire du béton ou de l’acier bas carbone, le choix de matériaux décarbonés, par exemple grâce à un fort contenu recyclé, le réemploi de produits et de matériaux ainsi que le recyclage en fin de vie.

Projection // Vers une efficacité carbone optimale

En tablant toujours plus sur les jumeaux numériques, capables de répliquer virtuellement et fidèlement une construction, les architectes post-carbone pourront simuler en amont des scénarii de tout le cycle de vie du bâtiment et atteindre la meilleure efficacité carbone.

2- Une diversité de constructions bioclimatiques

Définition

Une construction bioclimatique vise à limiter son impact environnemental en tirant parti des ressources alentour. Elle utilise les caractéristiques du terrain où elle se situe pour consommer moins d’énergie et offrir à ses occupants le confort en toute saison. C’est l’objet de l’architecture dite locavore ou vernaculaire.

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Chibam, la « Manhattan du désert » au Yémen s’illustre par ses gratte-ciels en torchis, un matériau disponible en abondance propice aux constructions locavores.

Inspiration // Pratiques historiques

Dans de nombreux pays chauds, les habitats sont conçus pour résister aux hautes températures, à l’aide de persiennes ou de moucharabiehs, plus protecteurs que des baies vitrées. Dans les anciens quartiers de Bagdad, par exemple, des tours à vent appelées bagdirs créent une ventilation naturelle en captant les brises extérieures. Et que dire de l’igloo, qui se fond si naturellement dans son environnement…

Actions // Recours aux ressources locales

L’architecture locavore s’illustre au Yémen, où la ville de Chibam accueille des gratte-ciels en torchis, un matériau disponible en abondance. En France, l’entreprise Norper s’est associée à Saint-Gobain pour mettre au point un mode de construction utilisant terre crue et terre d’excavation, une ressource naturelle considérée comme un déchet de chantier.

Projection // Atouts différenciateurs

L’architecture locavore répond de manière efficace aux trois piliers du développement durable. Elle lutte contre la dépendance économique et industrielle grâce aux ressources locales, limite le transport des matériaux sur chantier, crée des emplois et participe à l’émergence de filières recyclables avec des matériaux souvent valorisables. Son adaptabilité aux contraintes naturelles et climatiques de chaque région devrait l’imposer de manière plus prégnante à l’avenir.

Démonstration de projection de terre sur un mur réalisée aux ateliers de l'entreprise Norper à Le Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône) le 21/07/2020. SGDB France accompagne cette société qui a créé un système constructif permettant l'utilisation des matériaux d'excavation (terres de chantier).
L’entreprise Norper s’est associée à Saint-Gobain pour valoriser terre crue et terre d’excavation, une ressource naturelle considérée comme un déchet de chantier.

3- Le dynamisme des maisons passives

25 à 30%

de pertes énergétiques proviennent de la toiture dans un habitat peu isolé

Définition

Une maison passive affiche une consommation énergétique très basse, voire nulle ou positive. Grâce à une isolation thermique, un système de ventilation et une exposition solaire de haute qualité, elle se passe de système de chauffage.

Inspiration // Impératif de réduction des consommations

Face aux défis énergétiques, la recherche de solutions plus sobres s’impose. C’est pourquoi l’isolation et la ventilation sont devenues les deux piliers de la maison passive. Ainsi, dans un habitat peu ou pas isolé, la toiture peut être cause de 25 à 30 % des pertes énergétiques et les murs extérieurs, de 20 à 25 %. Des travaux d’étanchéité et d’aération résolvent cette problématique.

Dans un habitat peu ou pas isolé, la toiture peut être la cause de 25 à 30 % des pertes énergétiques

Actions // Cercle vertueux

L’exemple de la ville du Cap devrait faire des émules. L’isolation des toits de 2 300 maisons et l’installation de chauffe-eau solaires ont permis de diminuer les factures de chauffage, améliorant de fait le niveau de vie des occupants et leurs problèmes respiratoires. Sans oublier l’économie locale, stimulée par l’animation de formations sur le terrain.

Projection // Cap sur l’autosuffisance en énergie

L’utilisation de matériaux de plus en plus efficients en terme d’isolation favorisera l’expansion des maisons passives, modèles de haute efficacité énergétique.

Placoplâtre, usine de Vaujours
L’architecture locavore participe à l’émergence de filières de recyclage comme celle de plaques de plâtre.

4- La réparation du patrimoine, ou faire la ville sur la ville

Définition

La réparation du patrimoine, autrement dit le Care & Repair, repose sur une architecture du soin et de la bienveillance. Elle prend en compte la santé des habitants et le respect de l’environnement.

Inspiration // Nouvelle vision de l’espace urbain

Après des années à se concentrer sur la fonctionnalité d’un bâtiment, souvent décorrélé de son milieu, les architectes privilégient l’approche par le « soin ». Au cœur des préoccupations, la fragilité des milieux, des territoires urbains et des personnes. Ce nouveau regard et une compréhension renouvelée de l’espace urbain visent la recherche d’un équilibre.

Femme travaillant dans le secteur de la construction et posant de l'isolant
« Prendre soin »… C’est aussi privilégier la réhabilitation à la démolition, avec l’emploi de matériaux adaptés à la rénovation énergétique.

Actions // Solutions durables et adaptatives

« Prendre soin » peut signifier favoriser les mobilités douces dans l’espace urbain, encourager le vivre-ensemble à l’échelle d’un quartier ou préserver la biodiversité en ville. C’est aussi choisir la réhabilitation en lieu et place de la démolition, souvent plus rentable sur les plans économique et environnemental. Le rétrofit, qui table sur la réutilisation des bâtiments existants, a d’ailleurs le vent en poupe. À cet effet, des industriels développent de nouvelles solutions en préfabriqué. L’architecture du Care & Repair intègre également une logique de recyclage et de valorisation.

Rainings Stairs finished
Des industriels développent de nouvelles solutions pour les constructions préfabriquées, comme les maisons préfabriquées Scotframe Timber dans le quartier « Raining’s stairs » à Inverness, en Écosse.

Projection // Parkings du futur

En réfléchissant au monde post-automobile, les architectes Olivier Camus et de Lydéric Veauvy, de l’agence Tank, ont imaginé des parkings aériens évolutifs dans la ZAC de l’Union à Tourcoing, à base d’éléments modulaires, aptes à se transformer en un ensemble de logements ou de bureaux. Une tendance à la hausse chez les designers, qui se penchent sur l’utilité de demain plus que sur l’usage actuel d’une construction.

Crédits photos: © GCP, © javarman/123RF, © Joseph Melin/SGDB France, © Andrea Aigner/stock.adobe.com, © 2022 Raphael Demaret, © auremar/stock.adobe.com, © Scotland Timber, © TMRW-Vandkunsten

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